Thés japonais dans différents kyûsu, expérience

J’interromps mes présentations des thés de ma sélection 2012 pour me livrer à de petites expériences sur les théières. A vrai dire je ne suis pas fana de ce genre de tests, il est difficile d'obtenir les mêmes paramètres, et puis surtout cela ne m'amuse pas beaucoup. Pourtant c'est relativement instructif.
  Quatre théière: Une Tokoname rouge de Gyokkô, une Tokoname beige de Takasuke, une Bankô, et un hohin en porcelaine blanche.

Je teste trois thés, un futsumshi sencha de hon.yama (Yokosawa), un fukamushi sencha de Kagoshima (Kirishima, Makizono) et un kama-iri cha de Miyazaki (Gokase). J'ai fait ce choix de trois type de thé différents, qui sont tous les trois issu du cultivar "standard" Yabukita.

Les paramètres sont les suivants:
- 3g de thé
- 60ml d'eau
-1 minute d'infusion pour le Hon.yama et le Kama-iri, 40 secondes pour le fukamushi.
- La température de l'eau est probablement le facteur qui est le plus difficile à garder constant sur chacun des thés (sauf à utiliser un thermomètre). J'ai bouillir l'eau puis transvasé dans un thermos. Ensuite je verser dans un yuzamashi en porcelaine, compte 5 secondes puis verse sur les feuilles. J'ai limité les transvasements pour limiter les différences de température. L'eau utilisée est ainsi un peu chaude, mais ce n'est pas plus mal pour ce type de test. En contre partie je ne charge pas trop en feuille.

Compte rendu très scolaire :

1. Futsumushi sencha de Hon.yama (Yokasawa, cultivar Yabukita)
Hohin en porcelaine










 

- Parfum présent mais peu prononcé pour ce type de thé
- Liqueur équilibrée entre douceur et astringence relativement présente. Pas léger, mais franchement puissant.
- After-taste bien présent, très doux et simple.

Théière Tokoname-yaki, four Takasuke











- Parfum plus présent, léger et rond.
- Liqueur au goût plus profond et complexe, plus rond et doux aussi.
- After-taste présent, subtil et profond, très intéressant, floral.

Théière Tokoname-yaki par Gyokkô











- Parfum très proche, peut être plus végétal (?)
- La saveur est plus stimulante, douce et complexe également, mais avec une légère pointe d'astringence.
- L'after-taste reste très proche aussi, mais plus simplement doux.

Théière Banko-yaki











- Le parfum est moins prononcé cette fois.
- La liqueur est moins puissante aussi. Une légèreté qui se compense par une sorte de finesse, les arômes sont comme aiguisés.
- L'after-taste se retrouve influencé de la même façon. Finesses des saveurs mais un peu faiblard par comparaison aux Tokoname.

L'appréciation de chaque infusion étant influencée par la précedente, je change l'ordre des ustensiles pour chaque thé. (pas de photos pour la suite, vous m'en excuserez)

2. Fukamushi sencha de Kirishima (cueillette manuelle, cultivar Yabukita) 

Théière Banko-yaki
- Le parfum semble sur ce thé être moins endormi par cette théière que notre futsumushi de montagne précédent.
- La liqueur est douce et ronde, vanillée.
- L'after-taste est léger.

Hohin en porcelaine 
- Parfum léger, mais plus satisfaisant qu'avec notre futsumushi de Hon.yama.
- Liqueur stimulante,  de la force et une astringence légère. Belle équilibre encore.
- L'after-taste s'en tire pas trop mal non plus.


Théière Tokoname-yaki par Gyokkô
- Le parfum est maintenant nettement plus présent qu'avec les deux ustensiles précédents.
- Une liqueur forte et très douce.
- L'after-taste se fait là plus dominant, avec beaucoup de douceur.

Théière Tokoname-yaki, four Takasuke
- Résultat aussi très probant pour le parfum, peut être plus subtil que sur la terre rouge.
- Là encore, saveur très présente, profonde, peut être moins punchy que sur la terre rouge, mais plus ronde.
- L'after-taste suis dans cette tendance.

3. Kama-iri cha de Miyazaki (ville de Gokase, cultivar Yabukita)


Théière Tokoname-yaki, four Takasuke
- Le parfum de ce thé est rendu dans toute sa force.
- Liqueur très rafraichissante, véritable concentré de fragrances qui tiennent aussi bien du parfum que de l'after-taste
- After-taste impec, un délice.

Théière Banko-yaki
- Moins de parfum.
- Goût plus faible également, mais grande délicatesse.
- L'after-taste est bien là.

Théière Tokoname-yaki par Gyokkô
- Parfum fort, moins que sur la Takasuke, mais peut être plus de finesse (?)
- La liqueur est bien affirmée, moins que sur la Takasuke, mais en même temps elle a plus de pesanteur.
- L'after-taste reste un délice.

Hohin en porcelaine
- Parfum très alléger, mais avec un léger "fumé"
- La liqueur est un peu vide.
- After-taste bien là, mais un peu faiblard quand même.


Conclusion

Cette mini serie de test vaut ce qu'elle vaut et n'engage finalement que les ustensiles impliqués. Néanmoins ces tests, je pense, reflète quand même la tendance générale.
Je suis désolé si ce "compte-rendu" est finalement plus une série de notes en pagaille qu'autre chose et n'apporte rien au lecteur.
Pour synthétiser, je pourrais dire que quelque soit le thé, des tendances identiques s'observent.

Tout d'abord, le hohin en porcelaine est ici clairement l'ustensile qui apporte le moins de satisfaction. En fait, c'est un accessoire qui se montrera bien plus efficace sur des infusions bien chargées à basse température (en effet, on l'utilise souvent pour le gyokuro).

Après, pour parler des terres d'une manière générale, les deux Tokoname montrent clairement leur excellence. La beige de Takasuke montre des performances globales, une sorte de perfection qui peu parfois aussi être un défaut, alors que la rouge de Gyokkô sait affuter les thés à merveille, ce qui peut parfois en rendre l'utilisation plus délicate.

Enfin, cette Banko-yaki va chercher des choses plus fines et subtiles dans chaque thé, mais peine à donner dans la puissance. Elle réclame peut être des infusion plus musclées ?

Aussi, il m'a semblé que l'after-taste est l'élément qui se laisse le moins influencer par la théière. Bref, qu'un bon thé aura quoi qui l'en soit un bon after-taste.

Au delà de ces questions de théières, ces tests me rappellent qu'il ne faut pas chercher toujours à trop baisser la température. J'ai obtenu avec ces paramètres d'excellentes liqueurs.

J'espère que le plus grand nombre d'entre vous aura eu le courage de lire ce brouillon d'expérience jusqu'au bout.




Commentaires

  1. Merci beaucoup pour ces tests Florent, c'est d'une part économique pour nous lecteurs qui n'avons pas à réaliser le test, et d'autre part plus fiable vu ton expérience !

    C'est vrai que cette approche scientifique du thé rogne sur son aspect plus poétique. Pourtant, faire du thé n'est il pas aussi la recherche des meilleurs conditions d'infusion ? Peut-être ne devrions nous pas opposer l'aspect "scientifique" des expériences sur le thé et les infusions "non-scientifiques", intuitives à force d'expérience.

    C'est dans cette approche qu'aujourd'hui j'ai fait une expérience sur un sencha futsumushi cultivar Sôfû absolument délicieux (acheté à Paris). En effet je me le suis préparé hier à Paris et il m'a ravi ; je l'ai aussi préparé aujourd'hui dans ma ville natale de province. or j'ai constaté une différence : les notes florales m'ont paru plus discrètes. Entre ces deux villes ou je prépare le thé j'avais déjà fait ce constat de l'inconstance des infusions sur un Oolong de Zhu Shan à Taïwan.

    Préparant toujours mon thé dans le même zhong je me suis dit que la différence venait peut-être de la bouilloire : l'une que j'utilise est à l'intérieur en métal brossé alors que l'autre est en métal lisse. J'ai donc fait un test le plus rigoureux possible en faisant infuser une première portion de thé avec de l'eau provenant de ma bouilloire en métal brossé, d'une part, et une autre portion avec de l'eau bouillie dans un verre au micro-ondes, d'autre part.

    J'ai bel et bien constaté une différence : pour le moins, l'infusion avec de l'eau provenant de la bouilloire en métal brossé avait un côté légèrement "agressif", un petit côté métallique ; l'infusion à l'eau bouillie dans du verre ne présentait pas ce caractère et m'a semblé plus moelleuse.

    Conclusion : les théières ont une influence... et les bouilloire tout autant !

    A propos de ton appréciation de la porcelaine, je comprends que tu dises que c'est le matériau qui apporte le moins de satisfaction. Mais ne pourrait-on pas aussi dire que c'est celui qui restitue le thé avec le plus de neutralité, et qui donc en permet une appréciation plus objective ?

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  2. Merci de ce compte rendu, étant un fana de l'after taste et d'une certaine finesse j'ai opté pour une théière en terre de Nosaka réduite pour ma part.

    Ne l'ayant pas encore reçue je ne peux me permettre de donner un témoignage.

    Très intéressant cependant !

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  3. Merci pour vos commentaires. Je suis heureux de voir que ce contenu n'est pas trop confus (??)

    Ma démarche reste ici approximative, loin d'être scientifique...
    La porcelaine apporte le moins de satisfaction dans cette configuration. Mais avec des infusions chargées, longues a baisse température, ou au contraire courtes et très chaudes, il en irait probablement autrement. Je suis certain aussi qu'un gaiwan aura eu un rendu different.
    Oui, bien sur, la porcelaine est neutre.

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  4. Merci pour ce comte rendu. C'est marrant, autant je suis abonné à la porcelaine pour les thés chinois et taiwanais, autant je dois avouer que mes terres sortent toujours leur épingle du jeu pour les thés japonais. J'aime tout de même utiliser la porcelaine de temps en temps, car ce genre de chose m'amuse. ^^

    C'est un sujet éminemment complexe à mon avis, et je ne sais si deux théières banko, par exemple, de provenances différentes donneraient la même chose. En fait, je suis sûr que non. La qualité d'une terre viendrait des minéraux qui la composent, donc deux potiers ayant deux sources différentes, mais aussi un travail différent (raffinage, cuisson, etc) fabriqueront des théières au rendu sans doute assez différent.

    En tout cas, c'est très intéressant !

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  5. Pour revenir sur la porcelaine, ce que tu dis est instructif, à savoir qu'une infusion à température plus élevée ou avec une plus grande quantité de thé sera meilleure. Je pense que cela indique que ce n'est pas le matériau - la porcelaine - qui influe sur l'infusion, puisque c'est le plus neutre, mais sa capacité à garder la température. L'eau refroidissant plus vite dans la porcelaine que dans la terre, une infusion de même durée que dans une théière en terre sera donc moins avancée, et donc moins parfumée. C'est pour cela qu'en augmentant la température ou la quantité de feuille on égale en parfum une infusion dans une théière en terre... Il serait intéressant de faire le test suivant : une infusion dans une porcelaine préchauffée puis une infusion dans une porcelaine non-préchauffée. Je pense que cela vérifierait ce postulat !

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  6. David, j'adhere a ta remarque sur la porcelaine et les thés Chinois/Taïwanais.
    Et aussi, oui, comme je l'ecris, ces tests n'engagent finalement que les objets testes. Néanmoins, bien que tre différentes, les deux Tokoname ont un rendu très proche, mais en même temps elles sont de bien meilleures facture que la banko. ( il faut savoir que les Tokoname beiges,,grande et petite, a filtre céramique très fin, ainsi que les versions rouges et noires, furent commandées sur mesure a ce four par un personnage particulièrement érudit en thé et théières actif sur Hon.yama et Tenryu.)

    Shiokoji, ta remarque sur la faible conservation de la chaleur de la porcelaine et pertinente, la stabilité de la température est surement un facteur important, mais la capacité des terres à sublimer un thé en est un aussi.

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  7. Il y a tant de facteurs qui jouent... C'est une des raisons pour laquelle le thé est passionnant !

    Je me demande comment les différentes terres améliorent le thé... Absorbent-elles certaines composantes de l'infusion si bien que les autres apparaissent plus nettement ? Au contraire, ajoutent-elles quelque chose...? Mystère !

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  8. Théoriquement, l'effet le plus remarquable tient à l'échange de minéraux. La glaise est naturellement composée de plein de minéraux différents qui viendront se déverser dans l'eau et ainsi en changer les propriétés. Après, d'autres paramètres rentreront en compte (cuisson, taille, forme, etc) mais l'effet d'une théière est principalement lié à ce phénomène. Du moins c'est ce qu'on m'a appris.

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  9. De plus les déperditions thermiques semblent assez restreintes sur des thés à infusion rapide comme les verts japonnais.
    Ce paramètre en revanche aura plus d'importance à mon avis sur une 10ème infusion de puerh ;)

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  10. D'ailleurs en terme de théière, tu conseille plutôt, dans l'idéal, le la consacrer à un process particulier (Futumashi ou Fukumachi), voire même à un cultivar particulier ?
    Ou conseilles-tu d'utiliser une théière avec tous les sencha, simplement ?

    Si tu pouvais aussi nous donner les raisons de ton choix cela serait instructif je pense !

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  11. Non, je ne pense pas qu'il y ait nécessité d'utiliser une théière particulière pour chaque type de Sencha (et bien sur encore moins pour les cultivars, on ne va pas avoir des dizaines de kyusu pour cela). Les terres japonaises (sauf cas particulier) n'ont pas de "mémoire" ou très peu, comparées aux terres chinoise j'imagine. Et meme a l'inverse, posséder trop de kyusu ferait que chacune serait trop peu utilisée, et on ne pourrait pas voir évoluer leur couleur.
    Lavage a l'eau très chaude après chaque utilisation.
    A la limite, on pourrait imaginer de ne pas utiliser la meme théière pour du genmai Cha ou du Hoji, et même le kama iri....
    Non, je n'ai jamais entendu parler de telles choses ici, au Japon. Que l'on n'utilise pas la meme théière pour des puerh et des verts, je le conois, mais Si l'on fait abstraction des rares Thes noirs et wulong japonais, tous ici sont des verts.
    Après, on peut préférer telle ou telle théière pour tel type de thé parcequ'on trouve que ce type de thé rend mieux dans telle théière, ce qui n'empechera pas d'utiliser cette théière pour d'autre type aussi.

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