Gyokuro, terre ou porcelaine ?

Sans aller jusqu'à parler d'écrasante majorité, quand on prépare du gyokuro on pense en général en premier lieu a la porcelaine plutôt qu'à la céramique. Comment cela se justifie-t-il ? Franchement, je n'en sais trop rien. Des tests laboratoire montreraient que la porcelaine fait moins ressortir les saveurs, et limite particulièrement les tanins. Celle-ci serait donc parfaite pour un thé que l'on prépare de manière à apprécier sa douceur particulière ? En même temps, ne prépare-t-on pas aussi le gyokuro de manière à obtenir quelques gouttes de liqueur très fortes ? Dans ce cas, la porcelaine serait alors à éviter.
Il y a peut être là dedans une simple question d'habitude liée au sencha-dô ?
J'ai donc eu envie de faire une petite dégustation comparée.
Thé : Gyokuro traditionnel de Hoshino (Yame), cultivar Yabukita
         5g, 35ml d'eau, 50°C (1min30), 60°C (30s), 70°C (45s) 
         Théières : Hôhin en porcelaine et kyûsu Banko-yaki par Jitsuzan Tasses : tasse en porcelaine et tasse Banko-yaki par Masaki




Je commence par une première infusion en porcelaine.
D'abord, le parfum de ce thé est très prenant, un délice, comme une purée de pomme de terre au beurre, mais en même temps très pâtissier également.
La liqueur est très douce, sans être dénuée d'attaque en bouche. Très riche, sucrée, beurrée, un brin fruitée. Excellent. On pourrait sans problème faire infuser plus longtemps.



Je me tourne ensuite vers cette petite Jitsuzan que j'apprécie tant.
J'ai bien en tête l'idée de démontrer la supériorité de la céramique. Pourtant, les résultats ne seront pas si simples.
J'ai un parfum moins fort. Beaucoup moins pâtissier, moins beurrée. J'ai quelque chose de plus discret, qui tourne plutôt essentiellement autour de notes fruitées, de raison mûrs.
La liqueur est elle aussi moins ronde et pâtissière. Elle est plus forte, mais pas nécessairement plus riche. C'est très bon, mais pour être honnête, c'était mieux dans le hôhin de porcelaine.


J'y retourne donc pour une deuxième infusion.
Force et douceur sont toujours au rendez-vous, mais dans le parfum comme dans la liqueur le beurré et le sucré sont nettement en retrait. Un peu d'astringence (ou ce je ne sais quoi qui caractérise les gyokuro passé la première infusion) apparaît, et on voit se profiler des notes fruitées, très légères. C'est très bon, mais on s'éloigne déjà du feux d'artifice de la première infusion. 

Je reprends mon kyûsu Banko-yaki. Toujours les mêmes paramètres bien sûr. (chose très rare, j'ai sorti mon thermomètre pour l'occasion)
Ici, l'affaiblissement et moins net, je noterai même, au delà de l'équilibrage douceur/astringence qui de profile, une sorte d'affirmation des notes de fruits mûr. (par ailleurs, par rapport au printemps dernier, ce gyokuro s'est bien affiné) Et dans le parfum, on reste dans une constante. Cette fois-ci, difficile de dire, qui de la terre ou de la porcelaine l'emporte. Si la porcelaine reste encore un peu plus riche en saveurs diverses, la liqueur à moins de poids, de présence que celle de la terre, qui passe peut être encore un peu mieux en gorge. 

Troisième infusion.
La porcelaine se confirme dans la pente descendante. Le tout reste franchement très agréable, mais encore un cran en dessous. Un peu d'astringence, moins de subtilités des saveurs.
En revanche, dans la théière de Jitsuzan, la liqueur à toujours autant de présence, avec moins de douceur certes, ce qui n'est pas nécessairement un mal,  mais les notes fruitées continuent à faire leur effet. Pas de problème, c'est vraiment meilleur cette fois. 

Je m'arrête là pour ce test. Si l'on considère comme c'est en général le cas avec le thé japonais que la première infusion est la pièce maîtresse, alors il ne fait aucun doute que la porcelaine fut ici bien plus convaincante que la terre Banko. J'ai obtenu une liqueur absolument formidable, qui met en avant tout ce qu'on peut attendre de meilleur d'un gyokuro
Pourtant, sur plusieurs infusion, ma théière Banko-yaki donne plus d'unicité, et de stabilité. La liqueur y est plus dense aussi. La manque de richesse, de profondeur par comparaison à la porcelaine sur la première infusion est peut être d'ailleurs plus une caractéristique des terres Banko, que des terres en général. Je referai un test similaire avec une terre rouge Tokoname. Ce sera une occasion parfaite pour tester la version rouge (oxydation) d'une théière de Shôryû (j'utilise la noire très régulièrement, l'une de mes préférées aussi) actuellement en cours de réalisation ! (impatience) 

Pour conclure, plutôt de dire que l'une et meilleure que l'autre, je dirais que comme toujours, la variété offrent de nombreux plaisirs différents.

Enfin, je n'ai pas évoqué l'after-taste, ou autre arrière goût, car je ne suis pas certain d'en avoir discerné une différence claire. Dans le doute, je ne dis rien. 

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